Le jaguar est un animal difficile à appréhender
Papa, Maman, je vous présente Ken.
(Dis bonjour, Ken)
Lecteur (Lectrice) assidu(e), je ne t'apprendrai rien en te disant que hypothétiquement, j'ai un Jules en théorie.
Présentations :
Le Jaguar est beau comme un camion de pompier, il est indépendant de caractère, il a une nature très tendre bien qu'il essaie de la cacher en faisant sa grande gueule, mais le Jaguar est très difficile à dompter. En fait, c'est même pire que ça : il ne me laisse même pas l'occasion de l'apprivoiser.
Pourtant, la première vraie rencontre avec l'animal remonte à il y a quelque temps déjà. Je ne te parle pas des diverses occasions où nos regards se sont croisés de loin, dans les profondeurs de la jungle urbaine, non. Je te parle de la première fois où nous sommes restés suffisamment longtemps en contact l'un avec l'autre pour flairer nos phéromones respectives, jauger nos caractères et nos intentions, afin d'évaluer le danger que nous avions à tenter de créer un lien. Après quelques rencontres de ce type, ses oreilles se sont légèremment baissées, les persistantes traces de bravades dans son regard se sont estompées et un contact physique s'est même établi.
Forte de mes maigres connaissances en comportement animal, je me suis alors dit que, comme il avait laissé son empreinte olfactive sur moi, les prochaines rencontres seraient forcément plus douces et simples; mais j'avais tort.
La fois suivante, l'ambiance était glaciale et la tension palpable. Puis il a refusé plusieurs propositions de rencontre avant de se décommander tout bonnement d'un meeting arrangé.
Autant dire que la dernière fois où il a pu se libérer pour me voir, la semaine dernière, j'ai accepté sans grande conviction et uniquement pour que je ne lui donne pas l'impression de le rejetter [je sais, je suis pas nette]. Mais là, ça s'est bien passé. Il avait amené avec lui un des membres de son clan, probablement pour que le contact soit d'autant facilité. Les phéromones aidant, la rencontre fut agréable et il s'est à nouveau frotté à moi pour laisser des traces de son odeur et m'a même embrassé de sa langue rapeuse et mal-assurée.
Mais voilà, j'incubais ma petite grippe et il a dû l'attrapper (puisque j'ai appris qu'il était malade). Peut-être ai-je râté le coche et se méfie-t-il de moi en associant mon image à quelque chose de négatif.
Peut-être s'est-il simplement rendu compte que quitte à être domestiqué, il préfèrerait que ça soit par une belle dompteuse, toute en poitrine et en cheveux crêpés, moulée dans un costume de scène miscroscopique en skaï rouge.
En tout cas, je n'ai plus de nouvelles et il a encore décliné, y a pas deux jours, une proposition de face-à-face.
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J'ai pu remarquer à de nombreuses reprises que j'avais un bon contact avec les animaux en général, et les félins en particulier. Mais force est de constater qu'en ce qui concerne les grands fauves... La tâche est nettement plus difficile.
Les tigres audacieux, les lions patauds et casaniers, les panthères au fort caractère ou les élégants guépards, tous semblent se sauver sans autre forme de procès.
Peut-être sentent-ils sur moi les traces des abus que j'ai subi.
Parce que, après tout, c'est bien l'odeur de la peur qui fait fuire les grands mammifères.