"Gloupsons un coup [lalala], gloupsons-en deux [lalala]"
Hier soir, forte de ma première semaine dans mon Fabulous Appartement [et par la même occasion, d'une (sur)vie de la même durée, enfouie dans les cartons], je me suis dit:
"Ma fille [oui, je m'appelle souvent "ma fille", parce que si je m'appellais "mon homme", je risquerais une explosion de foufoune malencontreuse, vu mon état hormonal bouillonnant], c'est l'heure de braver l'inconnu et d'aller se présenter aux voisins".
'Faut dire aussi que le voisin en question, je l'avais déjà croisé vite fait dans les couloirs mardi soir dernier, et bien qu'il affiche clairement un look JCD [NDA: Jeune Cadre Dynamique, pour les nons-initiés]; eh bien, disons tout de go, que bon, voilà, il était plutôt franchement choucard. Alors, certes, je ne suis pas assez conne pour me mettre à fantasmer sur lui et me dire qu'une idylle est possible alors que non-seulement je ne connais même pas son nom, mais qu'en plus je sais très bien, pour le coup, que c'est mon voisin de palier, et donc que le choc post-rupture [inévitable] risque naturellement d'être encore plus difficile qu'à la normale.
Mais bon, un p'tit flirt de temps en temps, à battre des paupières comme une véritable écervellée qui n'a que ça comme mode de communication et qui est experte dans le lancer élégant de cheveux, c'est toujours rigolo...
Donc, voilà, je me mets en mode plus présentable que la tenue de combat (mode déballage des cartons) que j'avais enfilée le matin même, et troque du coup mon vieux jogging de l'époque collège pour mon jean anthracite qui me fait un tout piti boule; mon débardeur eristoff hérité de mes années Iowa Café, pour un youli chemisier blanc-qui-fait-classe-mais-pas-trop; et ma coupe (légèrement) chaotique (puisqu'intacte depuis le lever) par un piti chignon tiré histoire de masquer tant que faire se peut la nature inexorablement re-graissante de ma masse capillaire. Evidemment, je passe aussi par la phase ravalement de façade, histoire de gommer mes cernes naturelles comme je peux, et de sortir de chez moi avec des sourcils d'apparence humaine.
Je me retrouve alors devant sa porte, après avoir tiré la chevillette, en me disant en mon for intérieur à quel point je vais paraître conne en me présentant comme une ambassadrice en voyage d'affaires avec une bouteille de bon picrate dans les mains histoire de "me faire aimer de mes voisins" [sisi, c'est bien la phrase exacte que j'ai employée...].
Cherchant désespéremment une phrase d'accroche rigolote, spirituelle et ayant pour but ultime de limiter les dégâts quant à l'apparence groupie-esque qu'un tel geste va inévitablement me donner, j'entends une voix venant de l'intérieur ("Attends, y a quelqu'un qui sonne, je te rappelle..."), suivie de pas grinçants sur le parquet.
J'attends. Je répète dans ma tête la phrase débile que j'ai trouvé, et j'attends. Bon, "il est passé dans la salle de bains pour se laver les mains avant d'ouvrir sa porte, ou il a préféré éteindre sa cigarette histoire d'éviter qu'elle ne se suicide du cendrier et foute le feu"... "Non, mais qu'est-ce qu'il fout, là? C'est l'unbelibibeul SnailMan, ce type???"
(...)
[Plus de cinq minutes se passent -oui: le minuteur a eu le temps de s'éteindre et, le rallumant, j'ai encore attendu une poignée de dizaines de secondes avant d'abdiquer pour de bon-]
Je capitule donc enfin, me rentre, et me remets à questionner mon miroir en constatant que non, mon ravalage de façade ne donnait pas l'impression que j'avais une bosse dans le dos, un gros nez aviné ornementé d'un gros-vilain poireau et que ce que je tenais dans la main était bel et bien une bouteille de Bordeaux 2003 et non une pomme empoisonnée... [Bon, déjà, ça rassure]
Moins de cinq minutes plus tard, on sonne à ma porte, je vais voir, et là, se tient un jeune homme d'une bonne trentaine d'années, bedonnant, le cheveu rare et habillé comme moi ce matin (mais en pire) qui me dit:
"_Oui, heuuuuu.... C'est vous qui avez sonné tout à l'heure?
_Tout à fait! En fait, je voulais me présenter en tant que nouvelle voisine; je viens d'emmenager il y a une semaine officiellement, maintenant, ajoutais-je en lui tendant la bouteille de délice raisinneux.
_C'est à dire qu'en fait ici, c'est chez mon frère alors je connais pas bien les visages et pis du coup j'ai pas osé ouvrir, quoi... Et alors donc c'est pas moi, vôt' voisin
_[Ouf!!! Moi qui commençais à me poser de sérieuses questions sur ma perception des hommes en phase d'hormones bouillonnantes] Ah...
_Ui et pis, il est pas là, en ce moment, donc vous préférez p'têt lui donner vot' bouteille en mains propres?!
_[C'est vrai que les tiennes ont pas franchement l'air, mon coco]Non, bah, écoutez, s'il est pas là, je sais pas quand je pourrais repasser à une heure décente, vu mon emploi du temps de ministre, alors c'est aussi simple si vous la lui donnez quand il rentre... [Vite, vite, une fin à ce moment inapproprié et gênant d'entre tous!!!]
_Ah? Et quel ministre? Intérieur? Culture?
_[Une répartie spirituelle, viiiite!!]Oh! Si vous saviez!.. C'est pas si simple... En fait, je cumule les mendats; je sais, c'est pas légal, mais bon, ça se saurait si nous autres personnages politiques étions toujours dans la légalité... [Ouais, bon, peut mieux faire, surtout si son frangin est dans la politique: là, j'vais encore plus passer pour une débile profonde...]
_Héhéhé [C'est censé être drôle?]
_Bon, ben... Bonne soirée!?
_Bonne soirée..."
S'en est suivi bien logiquement un claquage de porte accompagné d'un four rire compulsif, adossée à cette dernière, devant le ridicule navrant de la situation...
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